Maps to the Stars de David Cronenberg
La grande thématique du cinéma de David Cronenberg, qui le place dans la même famille que Lars von Trier, Akira Kurosawa ou Sono Sion, c'est l'aliénation, à savoir le mécanisme par lequel l'individu abandonne, plus ou moins volontairement, une partie de sa personnalité afin de mieux s'intégrer dans une structure sociale plus vaste (ainsi entendue, l'aliénation est plus l'antonyme que le synonyme de la folie, parce que celle-ci survient souvent quand le personnage tente de se libérer du système qui l'oppresse, voir Spider).
C'est d'autant plus évident quand on regarde la façon dont il a adapté à l'écran A History of Violence et Cosmopolis : dans le premier cas, Cronenberg a opéré des changements radicaux dans l'intrigue, pour mieux mettre en évidence ce qui l'intéressait, à savoir le renoncement du héros à la partie violente de son être, qui ne demandera qu'une occasion pour ressurgir et le changer de fond en comble (les scènes de sexe avant et après l'incident sont emblématiques de ce changement, et elles n'étaient pas dans le roman graphique) ; dans le deuxième cas, au contraire, l'aliénation du trader par l'univers capitaliste où il vit et la façon dont il s'en libère à la faveur d'une crise étaient déjà dans le livre, et Cronenberg y est donc très fidèle.
Dès lors, il n'y a rien de bien surprenant à voir Cronenberg se pencher sur une des institutions qui génèrent le plus d'hypocrisie et de frustration chez ceux qui l'intègrent : le star-system hollywoodien (un univers dans lequel on vend des cartes indiquant la maison des célébrités, d'où le titre du film, qui veut évidemment signifier plus que cela).
Evidemment, il lui faut un révélateur, et Cronenberg et son scénariste, Bruce Wagner, choisissent de suivre Agatha (Mia Wasikowska), une jeune femme qui débarque à Hollywood et se retrouve à travailler pour Havanah Segrand (Julianne Moore), une actrice sur le déclin soignée par un thérapeute (John Cusack) dont le fils Benjie (Evan Bird) est un enfant-star cornaqué par sa mère - vous suivez, oui ?
Chacun de ces personnages va voir sa vie bouleversée par le passage d'Agatha qui incarne, littéralement (le spectateur le comprendra vite), le passé douloureux qu'ils ont cherché à enterrer pour faire bonne figure à Hollywood et qui resurgit malgré eux - une libération qui, comme souvent chez Cronenberg (voir, sur un thème semblable, Vidéodrome), rimera avec destruction.
Dans le sillage d'Agatha au visage brûlé surgissent comme par magie les fantômes, morts comme il se doit de façon horrible (dans un incendie pour la mère d'Havanah, dans un hôpital pour la jeune fille du début, dans une piscine pour Micah), mais qui sont plus là aussi une matérialisation des peurs intimes des personnages plutôt que d'authentiques réalités surnaturelles (comme l'explique d'ailleurs Cronenberg dans l'entretien qu'il a accordé à Trois couleurs).
Le tout est filmé avec une économie de moyens (des champs-contrechamps sans amorce pour mieux montrer combien les personnages sont isolés dans leur bulle, quelques travellings pour souligner un moment-clé de l'histoire, une opposition thématique basique entre eau et feu) qui met d'autant plus en lumière la force intrinsèque de l'histoire et le jeu des comédiens (et c'était, là aussi, quelque chose que voulait Cronenberg).
Saluons au passage la performance de Mia Wasikowska, qui, quoique enlaidie par son maquillage, parvient à donner une intensité formidable au personnage d'Agatha, avec un jeu tout en retenue qui, à mon avis, est bien plus remarquable que la surenchère d'obscénité à laquelle se livre (brillamment, certes) Julianne Moore (qui a reçu pour ce rôle le prix d'interprétation féminine à Cannes, rappelons-le).
Un grand Cronenberg donc (et qui va bien au-delà de son thème de base), mais qui décevra tous ceux qui s'attendaient à une démolition en règle d'Hollywood : le film est glaçant plus que grinçant, sans jamais être sordide (l'inceste n'étant qu'une métaphore, comme l'a dit Cronenberg lui-même : psychologues de bazar, passez votre chemin).
La grande thématique du cinéma de David Cronenberg, qui le place dans la même famille que Lars von Trier, Akira Kurosawa ou Sono Sion, c'est l'aliénation, à savoir le mécanisme par lequel l'individu abandonne, plus ou moins volontairement, une partie de sa personnalité afin de mieux s'intégrer dans une structure sociale plus vaste (ainsi entendue, l'aliénation est plus l'antonyme que le synonyme de la folie, parce que celle-ci survient souvent quand le personnage tente de se libérer du système qui l'oppresse, voir Spider).
C'est d'autant plus évident quand on regarde la façon dont il a adapté à l'écran A History of Violence et Cosmopolis : dans le premier cas, Cronenberg a opéré des changements radicaux dans l'intrigue, pour mieux mettre en évidence ce qui l'intéressait, à savoir le renoncement du héros à la partie violente de son être, qui ne demandera qu'une occasion pour ressurgir et le changer de fond en comble (les scènes de sexe avant et après l'incident sont emblématiques de ce changement, et elles n'étaient pas dans le roman graphique) ; dans le deuxième cas, au contraire, l'aliénation du trader par l'univers capitaliste où il vit et la façon dont il s'en libère à la faveur d'une crise étaient déjà dans le livre, et Cronenberg y est donc très fidèle.
Dès lors, il n'y a rien de bien surprenant à voir Cronenberg se pencher sur une des institutions qui génèrent le plus d'hypocrisie et de frustration chez ceux qui l'intègrent : le star-system hollywoodien (un univers dans lequel on vend des cartes indiquant la maison des célébrités, d'où le titre du film, qui veut évidemment signifier plus que cela).
Evidemment, il lui faut un révélateur, et Cronenberg et son scénariste, Bruce Wagner, choisissent de suivre Agatha (Mia Wasikowska), une jeune femme qui débarque à Hollywood et se retrouve à travailler pour Havanah Segrand (Julianne Moore), une actrice sur le déclin soignée par un thérapeute (John Cusack) dont le fils Benjie (Evan Bird) est un enfant-star cornaqué par sa mère - vous suivez, oui ?
Chacun de ces personnages va voir sa vie bouleversée par le passage d'Agatha qui incarne, littéralement (le spectateur le comprendra vite), le passé douloureux qu'ils ont cherché à enterrer pour faire bonne figure à Hollywood et qui resurgit malgré eux - une libération qui, comme souvent chez Cronenberg (voir, sur un thème semblable, Vidéodrome), rimera avec destruction.
Dans le sillage d'Agatha au visage brûlé surgissent comme par magie les fantômes, morts comme il se doit de façon horrible (dans un incendie pour la mère d'Havanah, dans un hôpital pour la jeune fille du début, dans une piscine pour Micah), mais qui sont plus là aussi une matérialisation des peurs intimes des personnages plutôt que d'authentiques réalités surnaturelles (comme l'explique d'ailleurs Cronenberg dans l'entretien qu'il a accordé à Trois couleurs).
Le tout est filmé avec une économie de moyens (des champs-contrechamps sans amorce pour mieux montrer combien les personnages sont isolés dans leur bulle, quelques travellings pour souligner un moment-clé de l'histoire, une opposition thématique basique entre eau et feu) qui met d'autant plus en lumière la force intrinsèque de l'histoire et le jeu des comédiens (et c'était, là aussi, quelque chose que voulait Cronenberg).
Saluons au passage la performance de Mia Wasikowska, qui, quoique enlaidie par son maquillage, parvient à donner une intensité formidable au personnage d'Agatha, avec un jeu tout en retenue qui, à mon avis, est bien plus remarquable que la surenchère d'obscénité à laquelle se livre (brillamment, certes) Julianne Moore (qui a reçu pour ce rôle le prix d'interprétation féminine à Cannes, rappelons-le).
Un grand Cronenberg donc (et qui va bien au-delà de son thème de base), mais qui décevra tous ceux qui s'attendaient à une démolition en règle d'Hollywood : le film est glaçant plus que grinçant, sans jamais être sordide (l'inceste n'étant qu'une métaphore, comme l'a dit Cronenberg lui-même : psychologues de bazar, passez votre chemin).
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